Les agriculteurs voient le vert à moitié vide
Aussi : l’électricité 100 % décarbonée, la démarche ACT, et la pelouse la plus moche du monde…
NOS TRAVAUX
Comment définir une trajectoire de décarbonation
Le Bilan Carbone® vous renseigne sur vos émissions passées. Mais comment savoir où aller à partir de là ? Comment fixer vos objectifs de décarbonation sur 5, 10 ou 15 ans ? Quelle méthode suivre ? Et quel référentiel adopter pour que votre stratégie soit reconnue par les régulateurs ? Voir notre article.
La CSRD, les ESRS, et Pascal
La corporate sustainability reporting directive (CSRD) est entrée en vigueur au 1er janvier 2024. Faut-il voir la CSRD comme une régulation de plus ? Ou comme un ensemble de méthodologies potentiellement utiles aux entreprises ? Que ferait Pascal en pareil cas ? Voir notre article.
ACTUALITÉS
Les agriculteurs et le climat
Exploitation rebellion. Après avoir retourné des panneaux de signalisation pour montrer que nous marchons sur la tête, les agriculteurs ont manifesté leur mécontentement en bloquant des routes et en dégradant des supermarchés. La colère du monde agricole serait motivée par un excès de normes. La reconnaissance sociale de leur métier, leur niveau de revenus, et les contraintes environnementales qui leur sont imposées seraient aussi des sources de frustrations pour les exploitants agricoles. De son côté, le gouvernement fait des concessions dans le but de calmer le jeu. Voilà pour le contexte. Si vous cherchez une analyse politique du malaise agricole en cours, nous vous renvoyons au blog d’Autheuil. Si vous aimez repartir des définitions, la DILA a publié une synthèse sur les termes du débat. Si vous voulez des chiffres sur les agriculteurs, l’INSEE a le tableur qu’il vous faut. Et si vous souhaitez comparer le modèle français avec des modèles complètement différents, la conversion massive à l’agroécologie menée par un État indien est intéressante.
Céréales Politik. Bien que les Français les voient comme un groupe homogène, les agriculteurs ne sont en réalité pas tous logés à la même enseigne. La colère agricole est partie du Sud de la France, une zone où les exploitations sont à la fois plus petites et moins riches que dans le Nord ou dans l’Ouest du pays. Si les exploitants les moins bien dotés manifestent contre les normes, c’est parce qu’ils savent sans doute que les normes font le jeu des gros acteurs. Les grands exploitants, notamment céréaliers, ont des moyens et des relais que les petits éleveurs n’ont pas, ce qui permet aux gros poissons de gagner deux fois : ils peuvent influer sur les normes en amont (1) et ils ont les moyens de s’y conformer en aval (2). Pour prendre un exemple qui n’a rien à voir avec les betteraves, l’université d’Oxford a montré que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) avait plus profité à Google et à Facebook qu’aux petits vendeurs de services numériques. Les normes sont toujours établies à partir de l’état actuel du marché, ce qui fait le jeu des acteurs bien installés — ces derniers ayant les moyens d’investir pour se mettre en conformité. Le marché agricole ne fait pas figure d’exception sur ce point.
Full Méthane Jacket. Quel lien entre le monde agricole et le climat ? Si vous prenez le dernier rapport du Haut conseil pour le climat, un rapport consacré à l’adaptation du modèle agricole français face au changement climatique, vous verrez que la majorité des pistes avancées nécessitent des investissements. Changer d’espèces de plantes ou de races animales n’est pas gratuit, par exemple. Convertir une exploitation à l’agriculture biologique n’est pas gratuit non plus. Manger des produits de meilleure qualité coûte plus cher également. Qui va payer ? La réponse appartient aux agriculteurs, aux syndicats qui les représentent, aux consommateurs français, et aux décideurs parisiens comme bruxellois — la France étant le premier bénéficiaire de la Politique agricole commune. Une chose est sûre, l’agriculture est la deuxième source d’émission de gaz à effet de serre en France — juste derrière le secteur du transport. En cause ? Le méthane, un gaz à effet de serre rejeté par les animaux, principalement les bovins.
Google et les éoliennes
4 pays dans le vent. Google va financer le développement de deux parcs éoliens aux Pays-Bas, pour une puissance combinée de 478 mégawatts (MW) — soit 53 % de la puissance d’une centrale nucléaire française (900 MW). Google s’est aussi engagé à soutenir des projets éoliens en Italie, Pologne, et Belgique. À terme, Google entend alimenter ses bureaux et ses centres de données avec de l’électricité décarbonée à 100 %. Est-ce à dire que les serveurs de Google seront alimentés uniquement par des éoliennes à terme ? Non. Si c’était le cas, la disponibilité de Gmail serait tributaire de la vitesse du vent — sauf si Google installe des batteries pour stocker l’électricité produite les jours de grand vent. Pas très pratique. Pour que Gmail soit toujours disponible, Google doit donc se relier au réseau électrique commun, un réseau alimenté en électricité toute l’année, sans arrêt. Premier problème : seule 40 % de l’électricité circulant sur le réseau néerlandais est issue de sources renouvelables. Second problème : une fois injectée sur le réseau, l’électricité produite par les éoliennes n’est plus traçable, elle est mélangée avec l’électricité issue de sources fossiles — charbon, gaz. Une fois sur le réseau, tous les électrons se valent, ils ne se baladent pas avec une petite étiquette permettant de remonter jusqu’à leur producteur.
Okay Google. Si Google ne sait pas d’où vient l’électricité qui alimente ses machines, comment les ingénieurs de Google peuvent-ils déclarer que leurs serveurs néerlandais tourneront bientôt avec de l’électricité décarbonée à 90 % ? La réponse est : c’est compliqué. Quand Google dit « nos serveurs sont alimentés à 90 % par de l’énergie décarbonée », Google achète en réalité des certificats d’énergie renouvelable, ou renewable energy certificates (RECs), et Google en achète à hauteur de 90 % de sa consommation électrique réelle. D’où viennent les RECs ? Ces certificats sont vendus par des gens qui produisent de l’électricité décarbonée — des opérateurs de parcs éoliens par exemple. Les RECs sont des titres, des écritures qui confirment que de l’électricité décarbonée a été produite à un moment donné. Ce ne sont pas des paquets d’électrons. Ce sont des bouts de papier. Ils ne contiennent aucune énergie. Voyez-les plutôt comme des certificats qui disent « moi, opérateur d’éoliennes, je certifie avoir produit 1 MWh d’électricité décarbonée, et je vends un REC qui le prouve ». Si vous achetez ce REC, vous pouvez alors dire que vous avez consommé 1 MWh d’électricité décarbonée, même si ce n’est pas réellement le cas. Dans l’histoire, le MWh d’électricité décarbonée et le REC qui atteste que ce MWh a bien été produit sont deux choses différentes, deux « produits » distincts vendus par le même opérateur. Pour éviter les tours de passe-passe auxquels l’usage des REC peut conduire, Google s’engage à acheter ses RECs au plus près de ses lieux de consommation électrique et sur une base horaire — pas annuelle. Si Google consomme beaucoup d’électricité à Amsterdam un lundi matin, Google doit donc acheter beaucoup de RECs à un opérateur néerlandais le matin-même, ce qui est censé augmenter les capacités de production renouvelables du pays.
L’ADEME poursuit le programme ACT collectif
Sister ACT. L’ADEME a reconduit l’appel à projet permettant à plusieurs entreprises de s’engager dans une démarche ACT commune. Les entreprises retenues pourront bénéficier d’une subvention pouvant aller jusqu’à 30 000 €. Pour rappel : ACT est une méthode développée par l’ADEME et le Carbon disclosure project (CDP) dans le but d’aider les entreprises à se fixer une trajectoire de décarbonation — pour le dire vite. La variante « collective » de ACT permet à des entreprises de s’engager ensemble, en groupe, dans une même démarche ACT. Voyez ça comme une sorte de mode multi-joueurs. Au cours d’un programme ACT collectif, 10 à 30 entreprises d’une même branche ou d’une même région réfléchissent ensemble à la meilleure façon de réduire les émissions de leur chaîne de valeur. Si votre candidature est retenue, vous nous croiserez peut-être dans la foulée, car l’ADEME confie les missions ACT à des consultants formés à la méthode du même nom — et c’est le cas de plusieurs personnes chez Magelan.
CHOSES VUES SUR INTERNET
À lire
Un aigle qui volait un peu trop bas a déclenché un radar automatique dans les rues de Zurich. Suisse alémanique oblige, l’aigle va sans doute recevoir une amende assez rapidement. twitter.com
Après le freewheelin’ Bob Dylan, voici venir les flying doctors. Depuis le début de l’année 2023, 8 médecins du CHU de Dijon prennent l’avion une fois par semaine pour se rendre à Nevers, une ville située à 180 km de Dijon, sur la Loire. En « commandant » des médecins par avion, le maire de Nevers entend remédier à la pénurie de spécialistes qui frappe sa ville. La planification écologique entre parfois en collision avec la planification médicale. france3-regions.francetvinfo.fr
Depuis le 1er février 2024, l’électricité est plus taxée que le gaz en France. La taxe sur l’électricité (TICFE) s’élève à 21 €/MWh pour les particuliers alors que la taxe sur le gaz (TICGN) s’élève à 16,37 €/MWh, soit une différence de 28 %. publicsenat.fr
Les Suédois de la province insulaire du Gotland ont organisé le concours de la « pelouse la plus moche du monde ». L’initiative visait à désacraliser les pelouses parfaites, celles qui demandent un arrosage très régulier. La gagnante du concours est australienne. À vous de juger si sa victoire est méritée ou non. gotland.com
Chaque année, Nathaniel Bullard, un analyste passé par Bloomberg, consacre une présentation (keynote) à la décarbonation. Sa dernière présentation vient de sortir. nathanielbullard.com
À écouter
Antoine Pellion, le secrétaire général à la planification écologique, organise des séances de questions/réponses en direct sur LinkedIn. Un bel exercice de communication directe qui aurait été impensable pour une administration centrale il y a encore quelques années. linkedin.com
Le point sur les risques naturels en France, en vidéo et en moins de trois minutes, par Datagora. statistiques.developpement-durable.gouv.fr
À tester
Comparez la quantité d’électricité produite par un pays avec l’intensité carbone des sources utilisées pour la produire. Vous obtenez un graphique à deux axes, sur lequel la France est plutôt bien placée — beaucoup de jus pour peu d’émissions. thomasprojects.net
Un site vous permet de trouver des points de vente ou de collecte d’objets d’occasion proches de chez vous, carte à l’appui. Pratique si vous cherchez une alternative au neuf ou que vous souhaitez vous débarrasser d’un objet qui peut encore servir. longuevieauxobjets.ademe.fr
Données
En 2022, trois Français sur quatre ont acheté au moins un produit d’occasion. La croissance du secteur est tirée par les plateformes comme Vinted, qui ont eu le génie de remplacer « occasion », un terme connoté négativement, par « seconde main », un terme relativement neutre. Le marketing ne consiste-t-il pas à transformer des carrés en losanges droits ? futuribles.com
Évolution du revenu agricole en France depuis 30 ans. agriculture.gouv.fr
Les conséquences du réchauffement climatique auraient fait plus de 4 millions de morts depuis les années 2000. nature.com
NOS CLIENTS
Ayor
Notre client Ayor, un spécialiste de la distribution d’eau dans l’habitat, recrute un stagiaire RSE pour une durée de 6 mois. Le poste est basé à Périgueux, en Dordogne. La personne recrutée travaillera avec Magelan sur la définition et le déploiement de la stratégie climat d’Ayor.
CITATION
« Ce qui se passe en ce moment avec l’agriculture en France, c’est un énorme plan social, le plus gros plan social à l’œuvre à l’heure actuelle, mais c’est un plan social secret, invisible, où les gens disparaissent individuellement, dans leur coin, sans jamais donner matière à un sujet pour BFM. »
— Michel Houellebecq, Sérotonine, 2019.
Merci pour votre lecture. Prochain rendez-vous le 1er mars.